Lee Ben-nan est député à l’Assemblée nationale, directeur exécutif du Comité de Coordination politique du Nouveau Parti et professeur de science politique à l’Université nationale de Taïwan. Il a répondu à une interview du magazine Free China Review pour évoquer les perspectives du NP au cours de l’année à venir.
FCR : Pourquoi soutient-on le Nouveau Parti ?
Lee Ben-nan : Les gens soutiennent le Nouveau Parti parce qu’il est porteur de nouveauté. Ils sont lassés d’assister à toutes ces luttes pour le pouvoir et à ce clientélisme politique. Ils veulent de nouvelles têtes et un parti qui s’exprime en leur nom. Les gens soutiennent le Nouveau Parti parce qu’il est opposé à la politique du «noir et or».
Pour favoriser l’instauration d’un climat politique sain, nous investissons des candidats d’un haut niveau d’instruction, contrastant grandement avec les «vieux routiers» de la politique. On nous soutient aussi pour les positions que nous affichons sur les grandes entreprises et pour l’importance que nous accordons à l’équité et à la justice sociale. L’inégalité de la répartition des richesses devient préoccupante, et nous jouons dorénavant le rôle de porte-parole des citoyens ordinaires. Nous refusons même les dons des grandes entreprises, afin de demeurer irréprochables.
Notre prise de position contre l’indépendance est un important lien fédérateur entre le NP et ses sympathisants. Elle établit une division claire entre le NP d’un côté, le KMT et le PDP de l’autre. On nous a accusés de prendre fait et cause pour le continent chinois et de lui servir de porte-parole. Je pense que nous sommes responsables de tels malentendus parce que nous n’avons pas su expliquer clairement notre position.
Nos enquêtes montrent qu’une grande partie de nos sympathisants ont reçu une éducation supérieure et que rares sont ceux qui n’ont pas fait beaucoup d’études. L’une des raisons est qu’il faut un certain niveau d’instruction pour émettre des jugements rationnels et savoir désigner lequel des partis obtient les meilleurs résultats dans la lutte contre la politique du «noir et or» et constitue un bon porte-parole pour les citoyens ordinaires.

Le Nouveau Parti organise un rassemblement devant le Mémorial Sun Yat-sen à Taïpei. Le parti tente d’élargir sa base traditionnelle de sympathisants urbains, instruits et «continentaux». (Huang Chung-hsin)
Quelle est votre politique sur la réunification de la Chine et les relations entre les deux rives du Détroit ?
Nous sommes les défenseurs de la République de Chine et nous avons clairement indiqué que cette position signifie la sauvegarde de la République de Chine et l’opposition à l’indépendance de Taïwan. Nous n’avons peut-être pas expliqué clairement ce que nous attendons de la réunification. Le peuple chinois est actuellement dirigé par des gouvernements différents, conséquence d’une tragédie de l’histoire. Mais des deux côtés, des gens travaillent, individuellement, à l’amélioration de la qualité de la vie, et le moment viendra où la réunification pourra enfin avoir lieu. Elle devra se faire dans le respect des intérêts et du bien-être des habitants de Taïwan.
Nous considérons que les échanges non politiques entre les deux rives du Détroit sont réciproquement bénéfiques et doivent être encouragés. Le Nouveau Parti a été le premier à encourager les trois liaisons directes, alors que les autres formations continuaient à adhérer à la politique dite des «trois non» [interdiction des relations postales, aériennes et commerciales directes]. On nous a accusés de vouloir vendre Taïwan mais à présent, de plus en plus d’entreprises, et jusqu’au PDP lui-même, sont convaincues de la nécessité de ces liaisons.
Toutes les questions politiques doivent faire l’objet de négociations. Dans le domaine de la diplomatie, par exemple, il n’est pas du tout avisé pour Taïpei et Pékin de se combattre si férocement. Nous considérons qu’il faut d’abord conclure une trêve et trouver un consensus fondamental avec le continent. Ainsi, la diplomatie ne posera plus aucun problème. L’essentiel est de quitter le domaine étriqué des relations entre les deux rives pour passer à des domaines plus larges. Mais le KMT et le PDP veulent d’abord renforcer notre puissance diplomatique, dans le but d’obliger le continent à reconnaître la position souveraine de la République de Chine. Cette approche n’est manifestement pas un succès.
Comment pouvez-vous renforcer la popularité de votre parti ?
La première chose à faire est de mettre en place une politique consistante et lisible. Par exemple, nous devons expliquer notre position contre l’indépendance de Taïwan et la façon dont nous allons mener notre lutte contre l’influence du «noir et or». Dans le passé, nous avions des principes mais pas de projets concrets. Je ne peux pas encore parler en détails de nos politiques parce que nous ne les avons pas finalisées. Mais je peux vous affirmer qu’elles seront fondées sur les principes d’intégrité et d’efficacité, de justice et d’harmonie sociale à Taïwan, et laisseront bien évidemment une large place à la question de la réunification de la Chine.
Il nous faut encore réformer l’organisation et les mécanismes de prise de décision de notre parti. Notre organisation est plus lâche que celles du KMT et du PDP. Au fur et à mesure que le NP a grandi, la communication et la prise de décision sont devenues plus complexes. Aux débuts du parti, il était facile pour ses membres de se rencontrer au cours de réunions. Proches par la sensibilité, ils parvenaient aisément à se mettre d’accord et à faire des choix.
Mais le NP a maintenant un total de 100 députés et conseillers, de sorte que la communication et la prise de décision sont beaucoup plus ardues. Notre solution, qui est à présent en cours de mise au point, est de créer un comité permanent qui se réunira toutes les semaines. Il sera composé de sept membres permanents, plus les présidents de la commission législative du groupe parlementaire NP au Yuan législatif, du groupe parlementaire NP à l’Assemblée nationale et de la Commission des Elections nationales et du Développement. Le resserrement de l'équipe qui se situe au cœur du processus de prise de décision et l’organisation de réunions plus fréquentes permettront un meilleur fonctionnement.
Les organisations au niveau local posent aussi un sérieux problème. Nous ne pouvons en posséder que là où nous avons déjà une certaine influence. Pour cela, il faut que les élus d’une région donnée décident de se joindre au NP et de créer des organisations locales. Mais nous n’avons personne pour les mettre en place dans les zones où nous ne disposons d’aucun soutien. En conséquence, dans de nombreux endroits, il nous est impossible de faire entendre notre voix. Nous tentons actuellement de décider si nous devons procéder à des ajustements de la structure de notre parti, afin de pouvoir commencer à trouver des soutiens là où nous sommes encore absents. Par exemple, nous pourrions y nommer des représentants ayant été élus ailleurs.
De telles mises au point devraient renforcer la popularité du Nouveau Parti. Son personnel de qualité, toujours en veine d’idées neuves, lui a déjà permis de renforcer sa notoriété et son influence sur les autres partis. Ainsi, le KMT investit maintenant davantage de candidats plus instruits, s’affranchissant ainsi progressivement des candidats «noir et or». Le PDP et le KMT ont aussi commencé à infléchir leur politique sur les relations entre les deux rives du Détroit. Nous sommes satisfaits de ces changements mais nous devons aussi reconnaître qu’ils peuvent représenter un défi supplémentaire pour notre propre parti. En effet, en épousant la politique du NP, les autres formations s’emparent de ce qui fait notre unicité. Sans elle, le NP risque de devenir insignifiant.